Pourquoi les pères divorcés obtiennent rarement la garde des enfants ?

Après un divorce, la résidence principale des enfants est très rarement confiée au père. Une discrimination que dénoncent leurs associations et que tentent de corriger les magistrats. 

La « résidence » a remplacé la « garde » des enfants dans le vocabulaire du divorce. « C’était très réducteur car cela signifiait qu’il y en avait un qui gardait l’enfant et que l’autre l’avait perdu », explique Me Béatrice Ghelber, avocate spécialiste en droit de la famille. Mais ce changement de terminologie traduit-il une plus grande égalité entre père et mère? Ça se discute.

« Le taux de discrimination à l’encontre des pères est très élevé, sans que cela dérange personne »: Gérard Révérend, président de l’association Les papas=les mamans, est en colère. Pour en comprendre la raison, il suffit de regarder les chiffres. Selon le ministère de la Justice, en 2009, dans 8% des cas, la résidence principale des enfants a été confiée au père après un divorce, contre 74,6% à la mère et 16,9% aux deux parents, enrésidence alternée.  

Et plus les enfants sont jeunes, plus l’écart se creuse, d’après Me Nicole Milhaud, avocate honoraire, qui indique que « jusqu’à 4-5 ans, les magistrats hésitent souvent à séparer l’enfant de sa mère. » Me Myriam Lasry acquiesce: « Les juges ont encore plus tendance à confier les tout-petits aux mères. La loi reprend de la vigueur quand les enfants grandissent, à partir de 6-7 ans. »

La justice comme reflet sociétal

Pourtant, la loi traite les deux parents à égalité, ne se souciant que de l’intérêt de l’enfant. Le reste relève de la décision de juges « parfois orientés », selon Me Nicole Milhaud.

C’est ce qu’a ressenti Antoine (le prénom a été changé). Sa petite fille de deux ans a été confiée en résidence principale à son ex-femme et il n’a obtenu un mercredi et un week-end sur deux ainsi que la moitié des vacances qu’après une enquête sociale et psychologique. A l’entendre, ses compétences de père ont été d’emblée mises en question par la justice.

Marc Juston, juge aux affaires familiales à Tarascon (Bouches du Rhone), nuance. « Si la résidence principale est très souvent confiée aux mères, c’est que les parents se mettent d’accord, sans même l’intervention du juge ». Et de citer une enquête du ministère de la Justice, publiée dans Infostat justice de janvier 2009, qui indique que, après les divorces par consentement mutuel prononcés entre 1996 et 2007, la résidence des enfants a été fixée chez la mère dans 71,8% des cas, en alternance dans 21,5 % des cas et chez le père dans 6,5% des cas seulement. Ces chiffres ne sont pas si éloignés de ceux des divorces pour faute, lorsque le juge fixe la résidence. Elle est alors donnée à 84% à la mère, à 11% au père et à 4,4% aux deux parents en alternance – la résidence alternée nécessite une communication entre les parents plus difficile en cas de conflit.

« Les juges ne sont pas contre les pères, insiste Marc Juston. Certes, ils accordent le plus souvent la résidence principale à la mère, mais ils ne vont pas au-delà du contrat social. On est encore dans un schéma où il est acquis que la mère doit garder son enfant et que le père doit se battre pour obtenir davantage. Le juge ne peut perdre le contact avec la société. »

La parité en question

Pourquoi en est-on encore là? « Soyons honnêtes, dans la majorité des cas, ce sont encore les femmes qui s’occupent le plus des enfants », souligne Me Nicole Milhaud. Qui y voit aussi une réaction: « Après avoir contraint les femmes à la soumission, on a voulu les aider ».

On renvoie les femmes à leur supposée fonction naturelle

« On renvoie les femmes à leur supposée fonction naturelle », s’insurge Gérard Révérend. Il admet néanmoins qu’il est souvent « difficile de faire accepter à un certain nombre de féministes, qui se battent pourtant pour la parité, que l’égalité doit exister dans les deux sens. Elles ont l’impression qu’on veut leur retirer des droits, alors que c’est tout le contraire. »

Même discours chez Me Béatrice Ghelber, qui explique que c’est par engagement féministe qu’elle défend l’association SOS Papa, parce qu' »on considère trop souvent que les enfants sont la propriété des mères. » Et que la place des hommes auprès d’eux n’est pas naturelle.

La résidence alternée comme solution?

Selon Gérard Réverend, seuls 20% des pères demandent d’eux-mêmes la résidence principale. « C’est ce modèle du père qui travaille plus à l’arrivée de l’enfant pour augmenter les revenus du foyer, alors que la femme travaille moins pour passer plus de temps auprès d’eux », explique-t-il. Et de poursuivre, avec une pointe de provocation: « La « réaction du milieu judiciaire dans son ensemble renforce ce modèle de Vichy ». La jurisprudence évolue lentement; lui voudrait un coup de pied dans la fourmilière.

Du côté des magistrats, on continue d’essayer de trouver les meilleures solutions. « Aujourd’hui, on parle de temps partagé, on cherche à équilibrer, en donnant par exemple plus de vacances au père lorsqu’il ne voit pas assez ses enfants », témoigne Me Milhaud. Pour Marc Juston aussi, il est important, « dans l’intérêt de l’enfant », qu’il n’y ait pas un parent principal et un secondaire, que « chacun ait un vrai rôle éducatif et qu’aucun ne devienne le parent du week-end. La résidence alternée permet cela. »

C’est dans cet esprit que le législateur a doté les magistrats d’un nouvel outil, dans sa loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale (art. 373-2-9): la médiation familiale. Et ce pour rétablir la communication entre les parents, par l’intermédiaire d’un professionnel compétent en psychologie et en droit. Et de les amener à un accord. Mais, plutôt que la simple alternance, une semaine sur deux, « qui ne convient pas à tous les enfants ni tous les parents », le juge Juston préfère une égalité adaptée à chaque situation. En donnant par exemple au père la résidence du vendredi soir au lundi matin, du mardi soir au jeudi matin et la moitié des vacances.

De même, Gérard Révérend penche pour des solutions tierces. Pour faire du sur-mesure, et non du prêt-à-porter. 

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