Il est le dénominateur commun d’une génération. 93 % des 15-17 ans et 81 % des 13-15 ans disposent d’un compte sur le réseau social Facebook. Chaque année, l’association Calysto, qui sensibilise au bon usage des outils numériques, questionne 35 000 enfants et adolescents. Le « baromètre 2012 Enfants et Internet », qui paraît samedi 23 mars, témoigne non seulement de la quasi-généralisation de la fréquentation de ce réseau mais aussi de son impressionnante remontée en âge.
Les deux tiers des 11-13 ans détiennent un « profil », en dépit d’un âge minimum officiellement fixé à 13 ans par l’opérateur. Et encore l’enquête ne se penche-t-elle pas sur les élèves de l’élémentaire… « Cela commence en CM1 et, l’année suivante, un tiers des élèves a déjà son profil », observe Jacques Henno, auteur et conférencier spécialiste des nouvelles technologies. A l’entrée en sixième, être initié à Facebook devient aussi incontournable à la survie sociale que l’abandon du cartable à roulettes. En fin de collège, « si deux élèves ne sont pas sur Facebook, c’est le bout du monde », assure-t-il. Aucun camarade de Lisa, par exemple, en classe de troisième dans les Yvelines, n’y échappe. « Sinon, on lui demande s’il a l’eau et l’électricité chez lui… On se dit que ses parents sont trop derrière lui, que c’est un bolos. » Condamné à la stigmatisation.
Rite d’initiation
Quid des autres réseaux sociaux ? Twitter gagne du terrain, mais surtout au lycée; Tumblr ne connaît pas, loin s’en faut, le même succès qu’aux Etats-Unis… Cinq années après la naissance de sa version française, Facebook bénéficie d’une position hégémonique chez les adolescents et aspirants adolescents. Page d’accueil de leur ordinateur, geste réflexe de retour à la maison, il occupe leurs récréations, parfois même leurs cours (portable dans le sac entrouvert sur la table) dès l’âge venu du premier smartphone, lui aussi de plus en plus précoce. Les trois quarts des 11-13 ans possèdent déjà un téléphone, le plus souvent connecté au Web, selon Calysto.
L’inscription sur Facebook vaut désormais marqueur d’avancée en âge, rite d’initiation à l’adolescence. « Puisque par Facebook je peux montrer que je suis ado, je dois y être » : voilà qui transforme le réseau en impératif catégorique, à en croire Cédric Fluckiger, maître de conférences en sciences de l’éducation à Lille-III. « L’adolescent prouve qu’il a gagné ce droit des parents ou qu’il maîtrise le fait d’y être sans leur autorisation. Il commente à 23 heures pour évoquer sa liberté. Il montre sa maîtrise d’un certain nombre de codes propres à l’adolescence, en faisant très attention à ses « like ». Et il ne parle surtout jamais de ce qu’il fait avec les parents. » Auparavant, il se sera « entraîné » à l’adolescence en fréquentant les profils d’amis plus âgés afin de découvrir leurs goûts et leurs mots pour les dire.