Coparentalité – mode d’emploi

Etre « parent » se pratique régulièrement et normalement dans tout couple parental.

Mais être un couple parental n’est pas forcément un gage de bonne conduite. Lorsque les parents forment un couple, l’exercice de la parentalité peut aussi être déficient ou mal opérant.  Etre ensemble n’est pas la seule condition de la pertinence des qualités de parent.

Parents séparés, parents quand même

Le métier de parents est difficile mais lorsque le couple est formé, les valeurs particulières, les méthodes éducatives s’imbriquent plus ou moins.

Lorsque le couple se sépare, chacun a tendance à reprendre ses propres valeurs éducatives, ses propres valeurs personnelles et familiales. Cela ne va pas toujours sans mal et parfois, ce que d’aucun qualifierait de broutilles prend toute son importance (exemple des parents fastfood et bio).

Etre parents séparés est un modèle qui va seulement commencer à se construire à la désunion. Pourquoi commencer ? Parce que l’être humain n’a aucune raison d’acquérir des compétences dont il n’a pas besoin. C’est donc à l’heure de la séparation que la compétence « parent séparé » va être sollicitée.

Comme un enfant qui apprend une nouvelle compétence, les parents vont fonctionner par essais et erreurs, ils vont trébucher, se relever.

Parfois, cependant, la motivation fait défaut. Comment, en effet, se relever de la fin d’une vie de couple souvent vécue dans la souffrance et la colère, la déception et la tristesse. Comment cette femme et cet homme blessés vont-ils parvenir à mettre de côté la facette « amoureuse » de leur relation pour ne continuer à voir l’autre que comme un parent ? Comment vont-ils mettre de côté tous les sentiments négatifs cités précédemment ? L’affaire n’est pas simple.

De plus et paradoxalement, c’est après la séparation que les parents vont devoir le plus communiquer et cela même si du temps du couple, cette communication n’était pas l’élément principal de la vie à deux.

Dans certains couples, c’est toujours un des partenaires qui occupe la même fonction. Prendre les décisions au sujet des enfants, les stages scolaires, le repas de midi, la nouvelle mallette….

Ces sujets anodins seront parfois de vrais sujets de discorde après la séparation.

Et pourtant, les enfants issus du couple ne comptent que sur cette communication.

Déstructurés qu’ils sont par les changements inévitables qui suivent la rupture, ils n’ont pas besoin qu’on leur rappelle en permanence à quel point « Luc » déteste « Sandrine » et inversement.

Eux, ils voient papa et maman et espèrent que l’amour de leurs parents pour eux ne disparaîtra pas à la vitesse où l’amour de Luc pour Sandrine a disparu et… inversement.

Les enfants ont besoin d’une équipe parentale forte et soudée, d’une équipe parentale qui fonctionne plus ou moins dans le même registre, d’une équipe qui leur fourni un « toit » sécurisant.

Comment donc définir ce terme de coparentalité ?

Initialement elle désigne le partage des droits de parents désunis vis-à-vis de leurs enfants. Remarquez que l’on parle des droits et non pas  des devoirs. Inutile dès lors de se référer à cette coparentalité du point de vue juridique lorsque les parents ne s’entendent pas. Ce concept est à ne pas confondre avec celui de l’autorité parentale conjointe.

Ils ne forment plus un couple affectif mais restent parents tous les deux. Je parlerais donc plutôt d’EQUIPE PARENTALE.

En effet, cette notion d’équipe développe une idée de coopération efficace vers un but commun.

Les parents désunis apprécient rarement d’être encore nommés « couple » même dans la parentalité. Par contre la notion d’équipe passe assez bien et revêt des représentations plus positives.

Quelle serait la recette d’une bonne équipe parentale ?

Les ingrédients peuvent être plus ou moins présents, plus ou moins obligatoires selon les équipes parentales mais en voici quelques-uns qui me semblent indispensables

–       Respect mutuel, respect de l’autre et de ses valeurs, respect des envies, sentiments, des temps, des accords…

–       Confiance en l’autre et en ses bonnes intentions probables

–       Communication claire, libre, efficace voire règlementée d’un commun accord

–       Bienveillance

–       Ecoute des besoins de chacun : il, elle, l’enfant

–       Calibrage des demandes

–       Notion de « possible »

–       Humour, recul

–       …..

Ce dont les parents ont besoin dans la relation interpersonnelle

–       Sentiment de sécurité, assurance de ne pas être sans cesse agressé par l’autre. Cette assurance peut être mise à mal par l’extérieur mais aussi par soi-même.

–       Savoir écouter sans spéculer sur les intentions de l’autre ou se faire du cinéma intérieur, éviter les projections.

–       Avoir une bonne conscience de ses limites, de celles de l’autre et de celles de la situation.

Ce dont le parent a besoin dans la relation à soi

– Sécurité :

Chaque parent doit avoir développé l’assurance qu’il est en sécurité avec lui-même, qu’il est en sécurité dans son rôle de parent. Il SAIT (avec plus ou moins de certitude) que ses choix sont les bons, qu’il agit en bon parent. Il ne ressent pas systématiquement les agissements de l’autre comme des attaques ou un déni de lui, de ses opinions, de ses valeurs, de

– Estime de soi :

Michelle Larivey, dans son article « l’estime de soi », la présente comme étant le résultat d’une auto-évaluation […], d’un baromètre révélant dans quelle mesure nous vivons en concordance avec nos valeurs.

L’estime de soi représente donc combien je me considère VALABLE.

Lorsque l’estime de soi est suffisamment présente, on prend comme un fait acquis qu’on a développé les compétences minimales pour être un bon parent. On est valable en tant que parent. On n’est pas déstructuré par des dénigrements sur nos comportements et nos manières d’agir. On peut comprendre que l’autre a un point de vue différent sans toutefois y adhérer.

– Confiance en soi :

Jean Garneau, dans son article « La confiance en soi » la décrit comme étant l’évaluation réaliste et ponctuelle qu’on a les ressources nécessaires pour affronter une situation particulière. La définition du dictionnaire renvoie à un « sentiment » de sécurité. En fait, ce dernier découle de cette prédiction. Puisque je prédis que j’ai ce qu’il faut pour affronter une situation, je me sens en sécurité!

La confiance en soi représente donc combien je me considère CAPABLE.

Lorsqu’on a confiance en soi et en ses capacités, on est moins facilement déstabilisé par les agissements, paroles, de l’autre parent. Il est plus facile de prendre les choses avec recul et d’essayer de comprendre les « bonnes intentions » cachées derrière un comportement qu’on n’apprécie pas ou qui nous étonne, nous énerve ou nous insécurise.

– Capacité à se dire :

C’est donc d’abord se connaître, reconnaître ses limites, savoir exprimer ses limites sans agression, oser demander sans se sentir rejeté par un « non »,

Pour chacun des items, je proposerais aux parents de s’auto évaluer sur une échelle de 1 à 10 c’est à dire de très faible à très forte.

Il est important de se situer sur une échelle qui sera bien sûr personnelle et non disqualifiable par qui que ce soit.

Ensuite, chacun pourrait faire l’exercice de se demander de quoi il aurait vraiment besoin pour fonctionner de manière efficace et plus agréable (que papa dise bonjour quand il vient chercher les enfants, que madame demande par sms si elle peut téléphoner aux enfants…)

L’idéal serait ensuite de pouvoir partager avec l’autre parents ces besoins et négocier pour qu’ils soient satisfaits au bénéfice de chacun. Mais cela, c’est une autre histoire…

Dominique Detilloux, thérapeute et médiatrice familiale agréée en matières familiale, civile et commerciale.