Les familles consultent souvent un thérapeute familial parce que l’un de leurs membres va mal. Et s’il portait la souffrance de toute la famille ?
Fondatrice, avec son mari Pierre Angel, du Centre Monceau, à Paris, Sylvie Angel est psychiatre, thérapeute familiale et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.
Dans les familles qui vont mal, on a l’impression qu’il y a toujours une personne qui souffre plus que les autres.
Sylvie Angel : C’est vrai. Celui qui va mal est, pour nous, le « membre symptôme », celui qui manifeste, à travers un symptôme plus ou moins invalidant – dépression, toxicomanie, tendances suicidaires… –, les dysfonctionnements intrafamiliaux. C’est souvent un enfant et il est, en quelque sorte, « désigné » par sa famille pour être le patient à traiter. La thérapie familiale permet, dans un premier temps, de mettre en évidence le fait que la pathologie de ce patient désigné est révélatrice des dysfonctionnements de la famille.
D’ailleurs, nous considérons que la fin du processus thérapeutique se produit lorsqu’il n’y a plus de patient désigné. Encore faut-il rester prudent parce qu’il peut y avoir déplacement : au détour d’une accalmie pour le patient désigné, l’un ou l’autre des membres de la famille risque à son tour de développer un symptôme.
Pouvez-vous nous en citer un exemple ?
Récemment, on m’a adressé une jeune fille de 22 ans, qui souffrait d’une dépression très lourde. Elle arrive, très boudeuse, authentiquement déprimée, et me dit : « Je suis venue parce que mes parents m’y ont forcée. » Je lui réponds : « Moi aussi, on m’a forcée à vous recevoir. Votre père a énormément insisté. » Elle se détend et je lui demande de la revoir avec sa famille. Arrivent le père, la mère, le frère plus jeune et la demi-sœur, née d’un premier mariage de la mère.
C’est une famille très éclatée, avec de nombreux remariages. Bien qu’ils aient divorcé depuis dix-sept ans, les parents n’ont jamais cessé de se tirer dans les pattes. Pendant la séance, ils se parlent tous comme si le temps s’était arrêté, il y a dix-sept ans, au moment de la séparation, comme si je n’étais pas là. Financièrement et géographiquement, les enfants sont autonomes, mais ils souffrent d’une profonde immaturité affective. En fait, tout le monde va mal. Mais ma patiente porte plus clairement que les autres les difficultés familiales.
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